Interview de François-Daniel Migeon, DGME

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« Une occasion unique de découvrir les meilleures pratiques européennes pour mieux s’en inspirer « 

Du 20 au 22 octobre prochain se tient à  Paris, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, la 5e conférence sur la qualité dans les services publics européens. Organisée notamment par la DGME, son directeur général explique les enjeux de cette conférence pour la qualité publique européenne. Interview.

Quel est le rôle de la DGME ?

François-Daniel Migeon : La direction générale de la modernisation de l’État est une direction du ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique. Sous l’autorité du ministre du budget Éric Woerth, elle conduit son action dans le nouveau cadre de la modernisation de l’État que constitue la révision générale des politiques publiques (RGPP), et se positionne comme une administration de mission, à  la fois force de proposition et aiguillon de la modernisation de l’État.

Elle comprend 3 services, qui ont chacun des missions bien définies.

Le service  » Innovation  » a vocation à  définir des priorités d’action en matière de simplification et d’amélioration du service rendu aux usagers. Il s’appuie notamment sur des dispositifs de consultation et d’écoute des usagers (études, sondages) et sur l’analyse de bonnes pratiques pour imaginer de nouveaux services, proposer des améliorations de l’existant et réaliser les études d’impact préalables à  leur mise en eouvre.

Le service  » Conseil  » accompagne les ministères dans leurs transformations, dans la mise en eouvre et le suivi des décisions issues de la RGPP, en leur apportant une expertise sur les leviers de modernisation les plus structurants comme l’évolution des structures, l’optimisation des processus.

Enfin, le service  » Projets  » pilote de grands chantiers interministériels de modernisation dans les domaines de la simplification administrative, de l’accueil et de l’administration électronique, avec par exemple les engagements Marianne sur la qualité de l’accueil dans les services publics, la réduction de la charge administrative qui pèse sur les entreprises ou le développement de nouveaux services en ligne.

La France accueille en octobre prochain la 5e conférence sur la qualité dans les services publics européens. Qu’est-ce que cela implique pour le pays et pourquoi la France a-t-elle été retenue ?

François-Daniel Migeon : Les questions de qualité publique ont véritablement fait leur entrée dans les sujets d’échanges européens il y a 10 ans, en 1998 ; auparavant, la coopération européenne en matière d’administration publique se résumait principalement aux sujets de mobilité et de RH. De cette période date l’idée de créer un événement européen dédié à  la qualité, un lieu de débats, de partages de méthodes et de bonnes pratiques qui fasse référence. En 2000, cette volonté s’est traduite par l’organisation de la 1ère conférence qualité, à  Lisbonne. Depuis, tous les deux ans, experts et acteurs de la qualité publique se retrouvent dans un pays différent. Après Tampere (Finlande) il y a deux ans, c’est aujourd’hui Paris qui accueille l’événement. Cette 5e conférence qualité s’inscrit dans le cadre de la présidence française de l’Union et se déroulera du 20 au 22 octobre au Cnit-Paris la Défense (lire encadré). Pour la France, c’est une occasion unique de découvrir les meilleures pratiques européennes pour mieux s’en inspirer, mais aussi d’insister sur l’importance de la qualité, de l’écoute et de la prise en compte des besoins des citoyens dans le contexte de la modernisation de l’État.

Comment la France se positionne-t-elle dans le paysage européen en matière de qualité dans les services publics ?

François-Daniel Migeon : Si l’on se réfère aux enquêtes réalisées auprès des usagers des services publics (par exemple les sondages réalisés régulièrement par BVA et l’institut Paul Delouvrier), la France tire plutôt bien son épingle du jeu : contrairement à  une idée reçue, les Français ont une bonne image de leurs services publics et les apprécient, avec des niveaux de satisfaction supérieurs à  80% dans des secteurs comme la santé, la sécurité sociale ou la fiscalité. Il y a bien sàûr des marges de progression, mais dans l’ensemble nous avons des services publics plutôt performants aux yeux des usagers. En matière d’administration électronique, la France se classe régulièrement parmi les leaders européens, que ce soit sur le nombre de services disponibles sur Internet, leur niveau d’utilisation ou sur les taux de satisfaction mesurés auprès de ceux qui les utilisent.

Quelles sont les démarches entreprises par les services publics français en matière de qualité ?

François-Daniel Migeon : Plusieurs initiatives ont été lancées ces dernières années par les services de l’État dans le domaine de la qualité. La création de la charte Marianne, en 2005, a constitué une étape importante de la mise en place d’une politique qualité transversale, partagée par tous les services de l’État. Aujourd’hui, il s’agit d’aller plus loin, non seulement pour s’assurer que les engagements qualité affichés sont bien respectés dans les faits (en généralisant la certification des services, qui s’effectue sous l’égide d’un organisme extérieur), mais aussi pour ancrer davantage la « culture qualité »dans l’administration en faisant en sorte que les enjeux et les questions liées à  la qualité de service soient bien pris en compte à  tous les niveaux d’un projet ou d’une organisation.  

Dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques, le conseil de modernisation du 12 décembre 2007 a décidé d’étendre les garanties données au public sur la qualité de l’accueil. Les 19 engagements du référentiel Marianne vont ainsi être appliqués dans toutes les administrations d’État d’ici la fin 2010, et leur respect pourra être évalué par un organisme tiers. Cette décision confirme que l’accueil est bien la première phase, fondamentale, de toute prestation de service, étape qui conditionne la qualité de la relation avec l’usager ainsi que celle du service rendu. Elle conforte d’autre part la nécessité d’optimiser, de faire progresser en continu nos organisations, par l’écoute des usagers, le management et la valorisation des compétences.

Le service public emprunte-t-il au secteur privé ses recettes d’organisation et de performance ?

François-Daniel Migeon : Même s’il existe des spécificités du secteur public, il n’y a pas de raison pour que l’État, en tant que prestataire de services, se prive des méthodes ou des techniques qui ont fait leurs preuves dans les grandes sociétés privées. Les problématiques d’une banque de réseau ou d’une administration comptant de multiples services déconcentrés se ressemblent par bien des aspects.

À la DGME, nos activités de veille et de benchmark portent aussi bien sur ce qui se fait dans le secteur public que dans le secteur privé, et certaines méthodes que nous mettons en eouvre pour accompagner les administrations dans leurs transformations, par exemple le lean – une méthode d’amélioration continue de gestion et de management qui repose sur la traque aux gaspillages et aux tâches redondantes et inutiles pour gagner en efficacité – ont déjà  été expérimentées avec succès par de nombreuses entreprises privées.

Comment l’État et ses représentants parviennent-ils à  faire passer le « message qualité » auprès des citoyens ?

François-Daniel Migeon : Le sujet n’est pas tant le message que le résultat final. Ce qui compte, c’est la qualité du service telle qu’elle est effectivement perçue, vécue et ressentie par les citoyens lorsqu’ils se rendent au guichet d’une administration ou font une démarche administrative par Internet. Plutôt que d’être dans une posture descendante qui trouve vite ses limites, notre mission est aujourd’hui d’être à  l’écoute des usagers, de recueillir et d’analyser en profondeur leurs attentes envers les services publics pour leur proposer une offre de services qui tienne compte de leurs besoins et de leurs contraintes, avec par exemple des guichets aux horaires d’ouverture mieux adaptés aux rythmes de vie actuels, des services accessibles par téléphone ou sur Internet pour ne pas avoir à  se déplacer, etc…

Sur quels critères dresserez-vous le bilan de cette édition ? Comment savoir si ce sera un succès ?

François-Daniel Migeon : Avec une soixantaine de bonnes pratiques présentées lors d’ateliers de travail, 12 tables rondes et 10 séances plénières qui réuniront les meilleurs experts européens, le programme de la 5e conférence qualité est particulièrement riche : nous mesurons l’intérêt qu’il suscite notamment au travers du nombre d’inscriptions enregistrées sur le site de la conférence, avec des participants venant de toute l’Europe. Durant les 3 jours de la conférence, nous conduirons également une étude d’évaluation et de satisfaction auprès des participants pour qu’ils puissent nous faire part de leur ressenti.

Mais au-delà  de critères quantitatifs, c’est avant tout le partage et la diffusion de bonnes pratiques qui fondent le succès de ce type d’événement. La 5e conférence qualité ne doit pas être considérée comme un aboutissement en soi, mais comme un point de départ, le lancement d’une dynamique. Nous souhaitons que les participants repartent avec des idées, des contacts, des méthodes susceptibles soit d’enrichir leurs projets en cours, soit de les inciter à  en développer de nouveaux. Et pour la France, alors que s’engage la mise en eouvre des décisions issues de la révision générale des politiques publiques, il s’agit de faire de la prise en compte des enjeux qualité un objectif central, qui soit au ceour de chaque processus de transformation des administrations.

Propos recueillis par Nicolas Gosse

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