Le métamodèle « Performance Qualité TPE – PME »

Comme le rappelle Wikipédia : « Dans le cadre d'une modélisation, un métamodèle est un modèle dont les instances sont elles-mêmes des modèles. Comme l'indique le préfixe méta-, un métamodèle est une abstraction permettant de décrire des modèles. ». Le besoin de métamodèle se justifie ici par les limites observées des structures de SMQ classiques dans le pilotage de la performance des entreprises.
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Olec
Olec Kovalevsky, consultant-formateur, gérant d’Avantage Qualité.

Notre métamodèle s’inspire des méthodes actuelles produites dans le champ des systèmes d’informations et de l’architecture d’entreprise pour piloter la performance. Ainsi en témoigne le modèle représenté par la Figure 1 « Concepts de Business Architecture » qui montre quelques-uns des concepts utilisés dans ce domaine.

Ici, le mot « valeur » est utilisé dans son acception large de ce qui est désirable, de ce qui a de la valeur aux yeux du destinataire qui est en situation de l’acquérir. Cette définition globale de la valeur est préférée à une définition strictement économique car elle s’avère plus pertinente pour modéliser et piloter la performance des modèles d’affaires des entreprises, en tout cas ceux pour lesquels la valeur pour les clients détermine la valeur financière.

Concepts de Business Architecture
Figure 1 – Concepts de Business Architecture (source : Open Group Guide 2017)

En reformulant, ce modèle nous dit que la performance opérationnelle d’une entreprise ou d’un organisme public, dépend de quatre facteurs essentiels :

  • la valeur accordée par les parties intéressées aux produits et services promis et proposés par l’entreprise ;
  • le ou les flux de valeur, regroupant les composantes-clés de valeur produites par l’entreprise, qui sous-tendent l’expérience client ;
  • les processus qui permettent la production économique des biens et des services visés ;
  • les aptitudes (compétences, connaissances) de l’entreprise et de ses acteurs, existantes et à développer, qui sont les déterminants sine qua non de la création de valeur pour les clients et les autres parties intéressées.

Cela nous a inspiré notre métamodèle utilisé avec succès dans plusieurs TPE – PME monosite, sous la forme illustrée sur la Figure 2.

Métamodèle de SMQ
Figure 2 : Métamodèle de SMQ adopté par Performance Qualité TPE – PME

Notre approche propose deux évolutions principales aux modèles classiques de conception des systèmes de management de la qualité :

  • la dissociation créatrice des notions de « processus » et de « métiers » ;
  • la définition des « processus » de systèmes de management de la qualité au niveau des flux de valeur, sous forme de processus de bout en bout.

Dissociation « processus » – « compétences – métiers »

La première évolution consiste à s’interroger sur le couple « processus » – « compétences », comme l’ont fait par exemple Philipe Lorino et ses collègues dans leur livre « Réconcilier la stratégie et l’opérationnel – L’approche « processus – compétences » (R. Demeestre – V. Genestet – P. Lorino, ANACT 2006). Après quelques années d’application méthodique, sur le terrain, de l’approche fusionnelle entre processus et compétences promue par ces auteurs et après en avoir moi-même défendu l’intérêt dans un ouvrage (« Optimiser le pilotage de vos processus avec la méthode SOCLE » O. Kovalevsky, AFNOR Editions 2010), j’ai acquis la conviction que cette fusion n’était pas équilibrée et que généralement la finalité des processus l’emportait sur celle des compétences et des métiers, avec un effet limitant sur le développement de ces derniers.

Il apparaît aujourd’hui que cette fusion entre « processus » et « compétences – métiers » peut être contreproductive. En effet, les finalités et les ressorts ne sont pas les mêmes. Il semble préférable d’autonomiser « processus » et « compétences » en cessant notamment de modéliser des systèmes, comme cela est souvent le cas des démarches qualité classiques, où les compétences des acteurs sont au service exclusif des processus de l’entreprise. En procédant de cette manière, on s’aperçoit que le cycle de vie des compétences, nourri de capitalisations successives et évolutives, est souvent amputé, réduit à sa partie visible et immédiatement opérationnelle.

Au contraire, en considérant « processus » et « compétences – métiers » dans leur natures et dynamiques propres il est possible de mieux les associer ensuite dans une relation créatrice de valeur pour l’ensemble des parties intéressées.

Processus clients de bout en bout

Comme le rappellent les auteurs du BPM CBOK V3 « Guide de la gestion des processus » Afnor Editions, 2018, page 35 : « La gestion de bout en bout des processus et l’orchestration maîtrisée des activités au travers de multiples fonctions de l’entreprise est l’essence même de la gestion des processus. C’est ce qui la différencie de la gestion fonctionnelle traditionnelle. Aujourd’hui, au sein des organisations complexes, les disciplines du management des processus et du management fonctionnel doivent cohabiter et travailler ensemble pour que l’organisation reste compétitive et viable ».

Lors d’une de nos premières implémentations du modèle en 2015, nous avons proposé à l’entreprise cliente une architecture de SMQ incluant deux processus clients : Affaires du secteur bâtiment et Affaires du secteur Industriel. Pour chacun de ces deux processus, différents dans la mise en œuvre et les caractéristiques de planification, nous avons établi des schémas de flux comme celui illustré par la Figure 3 ci-dessous.

flux d’activités d’un processus
Figure 3 : Schéma de flux d’activités d’un processus de bout en bout

L’enseignement pratique que nous retenons de cette expérience est que ce qui prime dans la définition des processus de réalisation, qui fournissent les produits et services achetés par les clients, c’est le potentiel d’efficacité opérationnelle et managériale ainsi que le potentiel de soutien à la stratégie de l’entreprise plutôt que, comme on le voit parfois, des critères de facilité de mise en œuvre de l’approche processus par la proximité avec l’organisation et les fonctions existantes. Une fois le modèle de performance posé, avec les processus de bout en bout adéquats, la technique et l’organisation prennent naturellement le relais de l’alignement stratégique et il importe alors d’organiser et d’optimiser les flux de réalisation en utilisant des méthodes et outils adaptés aux activités concernées, selon leurs niveaux de complexité et d’automatisation.

Ainsi par exemple, après que les processus soient définis et alignés pour soutenir la stratégie de l’entreprise puis cartographiés avec le niveau de détail nécessaire pour piloter leur performance, l’approche risques, par exemple au travers de revues de processus au cours desquelles les résultats des processus et les bilans des événements indésirables répertoriés, permettent d’identifier les besoins d’amélioration des moyens de maîtrise existants ou la mise en place de nouveaux.

Instances de pilotage

L’on doit à Michel Crozier et Erhard Friedberg dans leur célèbre opus « L’acteur et le système » (Editions du seuil, 1977) cette réflexion « Accepter de penser que c’est au niveau des capacités seulement que l’action sur les hommes ou pour les hommes a un sens pratique permet d’éviter ce piège de la morale éternelle : faire le bien des hommes sans leur demander leur avis. … » qui a renforcé notre conviction d’associer aux éléments organisationnels et techniques décrits ci-dessus, l’élément stratégique dont les instances de pilotage et de décisions représentent le marqueur principal.

Lors d’un diagnostic d’organisation et de démarche qualité d’entreprise, comme lors des audits d’ailleurs, il est toujours intéressant d’établir la liste des instances de coordination et de pilotage en place dans l’entreprise.

Dans les entreprises dont la maturité managériale est élevée, on constate souvent que différentes instances existent, couvrant des thématiques complémentaires (stratégiques, organisationnelles, opérationnelles) avec des périodicités adaptées au sujets traités (quotidiennes, hebdomadaires, mensuelles, trimestrielles, annuelles…).

Bien entendu, il ne suffit pas de couvrir toutes les thématiques de réunions à toutes les fréquences possibles pour assurer la réussite de l’entreprise ! Pour autant si la condition ne semble pas suffisante elle nous apparaît nécessaire pour une performance optimisée.

D’ailleurs, l’ISO 9001 dans sa dernière révision ne dit pas autre chose, par l’introduction d’exigences renforçant le pilotage du management de la qualité au niveau de la direction et aussi des autres rôles de management et d’encadrement de l’entreprise.

Corrélativement, les entreprises sont également invitées pour répondre aux exigences de performance à mieux articuler leurs systèmes de management de la qualité aux processus métiers et donc à investir davantage dans les activités de coordination opérationnelle.

Quelle que soit la taille de l’entreprise, y compris les plus petites, différencier et spécialiser les réunions et instances de pilotage sont des moyens efficaces pour les rendre productives et réduire leurs durées. Rien n’est pire, en l’espèce, que d’essayer sous prétexte de réduire le nombre de réunions, de traiter dans une même instance et dans une même réunion des questions opérationnelles et des questions stratégiques, des problèmes liés à une commande et des questions d’organisation… Le mélange des genres et des priorités aboutit presque toujours à traiter les sujets dans la précipitation et à résoudre les problèmes de façon partielle.

En conclusion, le métamodèle présenté nous permet de proposer des structures de SMQ personnalisés à chaque client (processus clients et compétences métiers spécifiques), dont la performance est directement corrélée à la performance globale de l’entreprise et répond à l’ambition légitime de tout dirigeant qui est d’avoir un SMQ qui contribue à la réussite opérationnelle et durable de son entreprise.

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Olec Kovalevsky – Réseau Qualité TPE PME
Consultant-formateur, gérant d'Avantage Qualité et membre fondateur du réseau Qualité TPE-PME
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